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  Après la visite de Mattew, Gregory avait reconduit Nora dans sa chambre et la fillette s’était endormie sans faire d’histoires. Sa rencontre avec ce père désespéré l’affectait bien plus qu’il ne voulait l’admettre, Molly avait le même âge que Nora au moment de sa disparition, et tout semblait indiquer que l’agresseur avait enlevé un bébé sans choix préalable. Molly se trouvait tout simplement au mauvais endroit, au mauvais moment.

  Pour tenter d’ôter les idées morbides de sa tête, Gregory alluma la télévision de la cuisine, une antiquité dans le domaine télévisuel : pas de LCD ou d’écran plasma mais de bons vieux tubes cathodiques et une profondeur d’environ 30cm. Après avoir zappé les multiples chaînes de téléachat et de musique, il porta son attention sur Lci . Les actualités. Peut-être encore une des rares choses qui lui faisaient prendre conscience que le monde continuait d’évoluer, que la Terre n’avait pas arrêté sa ronde autour du soleil après la mort de Margaret alors que lui s’était laissé submerger par le chagrin. En trois ans, il n’avait que très rarement vu ses amis bien que ces derniers, inquiets l’appelaient régulièrement. Il n’avait rencontré qu’une femme, un soir, en sortant d’un bar à peine conscient de ce qu’il faisait, ils avaient passé une nuit ensemble mais il ne se souvenait de rien, pas même de son prénom.
  La seule chose qui le maintenant hors de sa léthargie, c’était Nora. Il vivait au rythme du calendrier scolaire, la déposait à l’école le matin, venait la chercher l’après-midi tout en évitant au maximum les conversations avec les autres parents.
Il ne s’était jamais replongé dans une enquête, refusait toutes les demandes. Aujourd’hui, il allait devoir se reprendre. Par respect pour le chagrin de Mattew.

  En début d’après-midi, Gregory et Nora (qu’il n’avait pas pu se résigner à confier à une baby-sitter), se rendirent devant le domicile des Smith, un magnifique appartement situé juste au-dessus d’une grande enseigne de prêt-à-porter. Deux tramways eurent le temps de passer avant que n’apparaisse Clarence. La jeune femme incarnait le stéréotype même de la bourgeoise active : tailleur gris par-dessus un chemisier noir, lunettes de soleil chanel, sac à main assorti, et cheveux blonds mi-longs, sagement attachés par une barrette dorée.

 

   -Vous devez être Monsieur Laurent je présume. dit-elle en lui serrant la main
  -Et vous Madame Smith.
  -S’il-vous-plaît, appelez-moi Clarence. Répondit-elle en posant des yeux bienveillants sur Nora. Mon mari s’excuse de ne pas pouvoir nous accompagner, officiellement, il avait un rendez-vous très important pour sa société mais officieusement, je le soupçonne de vouloir éviter une énième reconstitution.
  -Peu importe, il n’était pas là lorsque votre fille a été enlevée, sa présence n’est donc pas indispensable. Je constate par contre que vous n’avez pas pris avec vous le landau.
  -Non. Ne m’en voulez pas il me rappelle trop de souvenirs douloureux… revenir sur les lieux de la disparition est déjà assez difficile comme ça…
  -Bien. Ca ne fait rien. Vous êtes donc parties d’ici ?
  -Non, nous avons déménagé quelques mois après l’enlèvement de Molly. Nous habitions juste en face, dit-elle en désignant du doigt la façade d’un appartement.
  -D’accord. Bon eh bien, vous allez effectuer exactement le même parcours que ce fameux 16 mai. Je vous suis. Si jamais quelque chose vous reviens : le souvenir d’une personne étrange qui aurait croisé votre route, ne serait-ce qu’un regard posé sur Molly… Je sais que ce que je vous demande est extrêmement difficile, mais c’est d’une importance cruciale.
  -Je ferai de mon mieux.