Molly

Molly

Jeudi 26 août 2010 à 18:58

 
  Depuis que l’enveloppe était partie s’étaient écoulés trois jours. Il était donc possible que le résultat du test de paternité arrive avec le courrier d’aujourd’hui. Mattew et Clarence s’étaient invités chez Gregory dans l’attente du facteur, tous les deux craignant que le détective n’enlève Nora une seconde fois selon le verdict. Et Gregory ne pouvait pas nier qu’il y avait déjà pensé. Cette idée lui trottait dans la tête depuis qu’ils avaient été dans l’avion pour rentrer en France. S’enfuir n’aurait pas été laborieux, il connaissait toutes les ficelles des fugueurs pour les avoir lui-même déjouées, il savait exactement ce qu’il fallait faire et ce qu’il ne fallait faire sous aucun prétexte. Mais une vie de cavale n’était pas faite pour Nora, ils seraient partis à l’étranger, auraient occupé une chambre d’hôtel différente chaque semaine, la petite fille aurait été déscolarisée, arrachée à ses derniers repères. Et puis financièrement, c’était plus qu’impossible, l’argent de Margaret était presque épuisé et il était certain que Mattew ne le paierait pas s’il ne lui rendait pas son enfant.
  Clarence avait pris Nora sur ses genoux, comme pour l’habituer à sa présence, comme pour l’éloigner progressivement de Gregory. Ce dernier et son mari guettaient le facteur par la fenêtre, croisant les doigts pour qu’une lettre en provenance du laboratoire soit dans sa fourgonnette.
  Nora semblait ressentir l’atmosphère pesante qui flottait dans l’appartement, avec ses yeux d’enfants, elle observait son père qui essayait de lui dissimuler son inquiétude sans aucun résultat. Clarence qui avait perçu la tension de Nora chercha à détourner son attention en jouant avec elle, mais ni les peluches, ni les poupées, ni même la télévision ne parvenaient à la distraire. Presque résignée, elle tenta tout de même de lui chanter une comptine.
  -Ferme tes jolis yeux
   Car les heures sont brèves…
 
  Nora sembla montrer de l’intérêt pour la chanson et plongea son regard dans celui de Clarence.
  -…Au pays merveilleux
   Au doux pays des rêves, continua la jeune femme.
   Ferme tes jolis yeux
   Car tout n’est que…
  -Mensonge. La coupa Nora. Le bonheur est un songe. Ferme tes jolis yeux.
  Mattew et Gregory qui s’étaient retournés en même temps fixèrent Nora avec des yeux ébahis.
  -Comment connais-tu cette berceuse ? lui demanda Clarence en lui prenant les mains.
  -Je la connais c’est tout, pourquoi, c’est mal ?
  -Non non bien sûr mon cœur, et puis tu as une très jolie voix.
  -Nora, file dans ta chambre tu veux bien ? lui ordonna Gregory écœuré par la complicité qui semblait naître entre elle et sa possible mère biologique.
  Nora obéit au plus grand désespoir de Clarence et Mattew pour lesquels le fait que la fillette connaisse la chanson n’était pas le fruit du hasard.
  -Je la chantais à Molly pour qu’elle s’endorme. Expliqua Clarence.
  -Et alors, s’énerva Gregory, Margaret aussi chantait pour que Nora s’endorme ! Ca ne veut absolument rien dire. Arrêtez de voir des signes là où il n’y en a pas ! Et puis arrêtez de vous pavaner comme si vous aviez gagné, et même si c’est le cas, essayez d’imaginer dans quelle situation je me trouve. Je vais peut-être apprendre que Nora n’est pas fille, je vais peut-être perdre la seule chose qui me retient à la vie ! Merde à la fin ! Ca sera sûrement le plus jour de votre vie mais ça sera aussi le pire de la mienne alors par pitié, ne m’envoyez pas votre bonheur en pleine gueule !
  Le couple n’avait pas riposté, ils comprenaient la détresse de Gregory, se sentaient honteux et égoïstes mais ne parvenaient pas à faire se volatiliser le sourire qui était apparu aux coins de leurs lèvres. Quand Mattew avait appris la nouvelle à Clarence, elle lui avait sauté au cou, ils avaient ouvert une bouteille de champagne achetée en vitesse pas Mattew avant de rentrer chez lui, et avait passé la soirée sur leur balcon à ressasser tous leurs souvenirs de Molly. C’était comme si le voile qui flottait au-dessus eux depuis bientôt cinq s’était envolé.

  Aux alentours de dix heures, une voiture jaune avec le logo « la Poste » se gara devant l’immeuble. Gregory et Mattew dévalèrent les escaliers et le facteur n’eut pas le temps de déposer le courrier dans la boîte aux lettres que   Gregory lui arrachait le paquet des mains. Mattew s’excusa pour lui et observa le détective décacheter l’enveloppe blanche. Dedans, deux feuilles pliées en trois donnèrent des frissons aux deux hommes. Gregory en attrapa une et la lu à voix haute.
  -Monsieur Laurent, nous vous remercions encore de la confiance que vous nous accordez. Nous avons eu la chance de collaborer avec vous à de multiples reprises et avons souhaité vous montrer notre reconnaissance en faisant passer votre dossier en priorité. C’est ainsi que nous pouvons vous envoyer les résultats après seulement 3 jours.
Recevez Monsieur nos salutations les plus distinguées.
Antoine Lamarte, directeur du laboratoire.
PS : nous espérons que les résultats apporteront une bonne nouvelle à votre client.

  Tremblant plus que jamais, Gregory s’empara de la seconde feuille. De nombreuses données plus ou moins incompréhensibles pour le commun des mortels se battaient en duel.
  Les tests de paternité étaient basés sur la comparaison entre de petites chaînes d’ADN appelées microsatellites, ne codant aucuns gènes mais qui étaient répétées un nombre de fois propre à chaque individu et transmis par les parents.  Ainsi, en examinant la taille de ces microsatellites, il était simple et sûr de déterminer une éventuelle filiation.

  Gregory lu les différents processus utilisés pour effectuer le test puis arriva au moment fatidique du résultat.
  -Basé sur l’analyse de l’ADN, MATTEW SMITH n’est pas exclu être le père biologique de l’enfant, NORA LAURENT, parce qu’ils partagent tous les allèles dans tous les locus analysés. La Probabilité de Paternité est de 99,99%.
  -Qu’est-ce que ça veut dire « n’est pas exclu » ?!!! demanda Mattew.
  -Ca veut dire que vous êtes le père de Nora. Il y a deux réponses possibles pour un test « est exclu » ou « n’est pas exclu ». répondit Gregory en serrant ses bras autour de sa tête.
  -Je suis le père de Nora !!! Je veux dire de Molly !! Mon dieu !! Clarence !! hurla-t-il. Clarence ! C’est bien Molly !!
  Il remonta dans l’appartement en laissant Gregory en bas. Ce dernier ne ressentait plus rien. Il était vide. Il aurait pu éclater en sanglots, mais ses yeux étaient secs. Il aurait pu frapper le mur, mais il n’avait plus de force. Il aurait pu se tuer, mais il n’était déjà plus en vie. Alors il poussa la grande porte en bois qui le séparait de l’extérieur, la lumière du jour l’aveugla et il marcha. Il marcha jusqu’à l’épuisement.

Par Mneemosyne le Jeudi 26 août 2010 à 21:29
oh mon dieu... pauvre gregory... j'ai vraiment du mal a croire qu'il vont la lui enlever d'un coup, c'est pas possible...


( tu as zappé un mot, je crois... XD " ce sera surement le plus BEAU jour de votre vie [...]" non???)
 

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