Molly

Molly

Jeudi 26 août 2010 à 22:36

  

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  Comme pour mimer les larmes qui auraient du s’écouler des yeux de Gregory, les nuages avaient délivré sur la ville des milliards de petites gouttes d’eau qui venaient mourir sur le jeune homme.
  « Ce qui ne tue pas rend plus fort » disait Nietzsche mais outre la démence dans laquelle il avait été plongé les dix dernières années de sa vie, il n’avait sans doute pas retrouvé sa femme morte dans son salon ou appris que la petite fille qui illuminait sa vie n’était pas la sienne. Le suicide de Margaret l’avait presque anéanti, jamais il n’était devenu plus fort, et aujourd’hui, on venait de l’achever.
  Il errait dans les rues de Bordeaux depuis trois heures environ, sans réel but à atteindre, sans trajet prédéfini, il marchait sous la pluie comme si chaque pas qu’il faisait parvenait à lui enlever un petit morceau de souffrance, il concevait sa propre chimiothérapie, il détruisait progressivement les cellules oncotiques. Mais des pas, il n’en ferait jamais assez.
  Trempé jusqu’à la moelle, il rentra chez lui sans savoir ce qu’il allait y trouver : un appartement vide, sans Nora ? C’est ce qu’il redoutait le plus : qu’on lui ait arraché sa fille qui n’était plus tout à fait sa fille en son absence. Mais alors qu’il était encore dans la cage d’escalier, Clarence se présenta devant lui. Elle plongea ses yeux dans les siens. Il y voyait floue, la pluie acide lui piquait les yeux. Et sans qu’il s’y attende, elle le prit dans ses bras. La chaleur humaine le réchauffa quelques instants et lorsqu’elle s’écarta, il frémit. Elle murmura qu’elle était désolée « Pardon d’avoir chamboulé toute votre vie ». Au fond, Gregory savait qu’elle n’avait pas besoin de s’excuser, elle n’était en rien responsable, on lui avait volé son bébé, elle le retrouvait petite fille, c’est elle qui aurait du accorder son pardon.
  Clarence le conduisit dans sa salle de bain et lui ramena des vêtements secs. Gregory enfila un jean et un tee-shirt, peut-être bien l’avait-il mis à l’envers. Quand ses cheveux ne ruisselèrent plus, il alla rejoindre les parents de Molly dans le salon.
  Clarence et Mattew se jetaient des regards inquiets, et lorsque Mattew se décida à entamer le dialogue, tous deux craignirent la réaction de Gregory.
  -Monsieur Laurent, il faut que vous compreniez que nous ne voulons en aucun cas précipiter les choses. Bien sûr, nous voulons récupérer Molly à plus ou moins long terme mais sachez que jamais nous n’envisagerons de vous priver de Molly. Vous pourrez venir la voir quand vous le souhaiterez, vous serez en quelque sorte un ami de la famille…
  -Oui exactement, poursuivit Clarence, nous voulons faire ce qu’il y a de mieux pour Molly, vous l’arracher n’est pas la bonne solution, nous allons vivre une véritable adoption, il faut préparer le terrain, construire des liens…
  -Il ne faudra d’ailleurs pas tarder à aborder le sujet avec elle, lui expliquer avec des mots d’enfants nos histoires d’adultes. Ajouta Mattew.
  -Et pour lui dire quoi ? interrogea Gregory qui sembla interrompre un texte répété et appris par cœur. Que je ne suis pas son père, que sa maman n’était pas sa maman… Elle ne l’était pas rassurez-moi ?!
  -Non Non ! Bien sûr que non ! s’exclama Mattew.
  -Lui dire que je ne comprends pas ? Que j’ai moi-même assisté à la venue au monde de ma petite fille ? Que je ne sais pas où est cette petite fille mais que ce n’est pas elle ? Un enfant, ça a toujours des milliers de questions à poser, et même si Nora n’est pas comme tous les enfants, elle en aura forcément, et moi, je n’aurai aucune réponse. Attendons de voir ce que contenaient les affaires de Peter, peut-être qu’elles nous aideront à comprendre.

 
  Et effectivement, deux jours plus tard, Clarence appela Gregory pour le prévenir qu’un grand carton avait été livré chez eux. Tous les trois déballèrent les affaires de Peter telles des reliques, inspectant sous tous les angles le moindre objet même le plus insignifiant. Entre les paquets de cigarettes, les briquets, les chaussettes célibataires, les quelques tee-shirts souillés d’alcool et les trois livres qui avaient atterri là dieu seul sait comment, un mini dvd placé dans un étui en plastique attira leur attention.
  Avec l’accord de Mattew, Gregory alluma la télévision de leur salon et plaça le dvd dans le lecteur. La vidéo qui apparut sur l’écran dépassa tout ce qu’ils n’avaient jamais pu imaginer.

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